dimanche 5 février 2017

Séjour en Creuse

Il était temps que je publie cet article, prêt - ou presque- depuis de longs mois! Rien que de le relire pour le publier, il me donne envie de repartir dans cette belle contrée que j'ai visitée à l'été 2015.  

Mon périple a débuté par une accroche par La Roche Posay, où je m'étais posée pour offrir à mon ego de quoi se reconstituer un peu après une période fort troublée. L'occasion pour moi de découvrir les villages de La Guerche et Descartes, qui m'ont beaucoup plu (mais ce n'est pas en Creuse), parce que La Roche Posay n'a pas d'attrait en soi, si ce n'est les bords de la Gartempe et de la Creuse et le centre historique, dont on fait vite le tour; mais qu'est-ce que j'y ai bien mangé! J'appréhendais les restos toute seule, moi qui aime tellement les partager, mais au final, armée d'un portable et d'un carnet ou d'un guide de voyage, j'ai appris à dompter cette crainte.










Le trajet qui m'a menée vers la chambre d'hôte en Creuse m'a d'abord fait passer par Saint Benoît du Sault, dans l'Indre, au détour d'un virage imprévu. 

Beaucoup de mes voyages sont constitués de ces détours imprévus, soit que mon oeil est attiré par une curiosité, un point de vue ou une belle lumière de l'instant. Ce village a occupé une bonne heure de mon temps, j'en ai sillonné chaque ruelle pentue, en ai fait le tour par le sentier des remparts. La vue du haut du centre bourg domine le paysage car le village est installé en hauteur.

Toutes les maisons ou presque de ce bourg médiéval recèlent d'une particularité architecturale ou de détails plaisants à la vue (à la mienne en tout cas): une fenêtre, une porte, des escaliers inégaux, des médaillons ou des inscriptions gravées, des modifications visibles et témoins d'époques différentes. Un livre d'histoire grandeur nature pour qui sait en saisir les indices.













La promenade a été assez exigeante, vu la chaleur et la sécheresse de la période. Les lézards étaient à la fête. Tout autant que mes yeux. Cette première étape, imprévue de surcroît (j'adore les surprises), m'a fait me sentir bien. Je ne cherche pas à passer pour une mystique mais je pense avoir cette potentialité de communion avec les éléments ou des situations qui me sont donnés. Je fonctionne à l'empathie, avec les lieux comme avec les personnes. Je peux rester des heures à m'émerveiller de quelque chose de beau sans que quiconque d'autre ne ressente la même chose ni ne comprenne mon émoi. (M'en fous!)


Ma première étape creusoise a aussi été l'un des points d'orgue de mon séjour, puisqu'il était l'une des raisons qui m'ont fait descendre en Creuse. Je suis l'actualité d'un groupe sur internet qui s'appelle "Centre de la Culture du Limousin médiéval", et à force de les voir publier des vues de châteaux, forteresses et d'abbayes, je les ai notées et repérées sur une carte. Cela a forgé mon itinéraire, ou disons créé une concentration géographique, car une fois tous ces points repérés, mon quotidien était quand même fait pour fonctionner à l'envie, sachant ce que j'avais à me mettre sous la main dans les parages. Venons-en au lieu: la forteresse de Crozant. J'ai été happée par le site, remarquable, qui surplombe les flots tranquilles de la Sédelle.












Une fois de plus, comme à St Benoît, le soleil a vraiment rendu la balade exigeante, mais aussi ô combien plus animée de reflets et de contrastes. La présence d'un chêne majestueux m'a permis un peu de repos à l'ombre, à contempler le silence et la géologie en contrebas. Voir aussi de quelle façon la Sédelle rejoint la Creuse pour continuer leur route ensemble; les ruines de la forteresse de Crozant se situent en effet à la confluence de ces deux rivières.
George Sand, de passage avec Chopin sur le site impressionnant, a écrit après son passage «On ne sait donc qui a été plus hardi et plus tragiquement inspiré, en ce lieu, de la nature ou des hommes... ». Bien que les ruines portent bien leur nom, le site n'en est pas moins impressionnant par les fonctions encore bien distinctes de chaque partie du château. Je me suis fait plaisir avec mon compagnon de voyage préféré numéro deux après mon Scénic: mon appareil photo. 


Après cette longue pause qui m'a emplie de joie et d'énergie (enfin, je trouvais ce que j'étais venue chercher et ce dont j'avais besoin!), j'ai mis le cap vers la chambre d'hôtes pour en prendre possession, me poser un peu, puis repartir voir les alentours.

L'arrivée dans le bourg de la Chapelle Saint Martial m'a un peu décontenancée vu le peu de maisons du bourg. Je passe et repasse, me rends compte que les quelques maisons que j'ai repérées sont en fait le bourg lui-même. Je me gare et vais sonner à la porte de la chambre d'hôtes, une charmante maison en pierres aux volets verts, en bordure de route, dont on ne soupçonne pas vraiment le charme que ses murs cachent depuis la rue.


Ma chambre, qui donne sur le jardin. 
"Mon" espace jardin


Vue sur la piscine, petite mais très agréable pour se rafraîchir



Leur jardin est gigantesque. C'est presque un parc. Photo prise à mi-chemin.







Voici la référence de la chambre: 



J'ai particulièrement aimé le beau jardin très bien tenu, gigantesque, avec l'immense surprise de voir un drapeau américain planté en plein milieu de la partie du parc qui s'étend vers le fond de la propriété. Voilà un clin d'oeil qui m'intrigue: moi qui suis venue à la reconquête de ma France (de ma "francitude" égarée depuis 4 ans d'aller-retours vers le Nouveau Monde), pour oublier mon aventure américaine, en choisissant à dessein un lieu éloigné de tout, me voici avec le destin qui me tend une perche. Je la prends avec le sourire. Ma vie est parsemée de ces clins d'oeil et de ces hasards qui rendent le quotidien poétique et léger. Du moins c'est ce que j'aime y voir. 


L'accueil est parfait et prévenant, on me signifie que je suis chez moi. L'hôte m'explique le jardin, la piscine, me précise l'heure du petit déjeuner, le portail, me souhaite une bonne installation. Je m'allonge sur le lit, et me découvre bien plus fatiguée que je ne le pensais. Il faut dire que mes deux visites du jour sous le soleil brûlant de juillet, plus la voiture, ont fait leur oeuvre. Et puis j'ai faim! Je me mets à la recherche d'un petit restaurant sympa qui puisse m'accueillir, pas trop loin de la chambre. Une déconvenue: pas de réseau téléphonique, donc pas de sms possible. Heureusement, la wifi fonctionne bien. Elle me rend bien service. Je repère de rares adresses dans le coin. Je suis à la recherche de quelque chose de typique, un peu cosy, pas bobo, juste simple et "terroir". J'adore le terroir et la simplicité.

Mon choix se porte assez vite sur le restaurant Influence, à La Chapelle Taillefert. Je ne le regretterai pas. Mets d'une grande qualité et copieux, service attentionné, produits absolument savoureux et de région, sélectionnés et cuisinés avec soin. Le cuisinier s'approvisionne dans des fermes et élevages voisins, que ce soit pour la viande, les légumes, les fromages (mmmmmm j'adore les fromages locaux! J'adore les fromages tout court). J'ai aussi eu le plaisir de goûter un apéritif local à base de châtaigne, pomme et noix. J'adore! Le tout pour un prix défiant toute concurrence, avec, en prime, une drôle d'anecdote à raconter de vive voix pour qui souhaite l'entendre. J'ai eu l'immense privilège lors de mon retour vers la chambre d'hôtes, après cette magnifique surprise gustative, d'assister à un coucher de soleil des plus flamboyants, aux tonalités très chaudes, en plein milieu d'un champ, que je ne suis pas prête d'oublier. Il m'a emplie d'une grande plénitude et m'a réchauffé l'âme. Je sentais à ce moment que je refaisais le plein de moi-même. Je me reprenais en mains, enfin. Je revoyais la lumière. Elle ne m'a pas quittée depuis. La chaleur de ce mois de juillet, qui plus est dans la Creuse, a carrément brûlé les champs. Non pas qu'ils étaient partis en fumée, mais complètement asséchés par le soleil ardent.


Un passage en Creuse ne pouvait pas faire l'économie de la visite d'Aubusson, cité historique de la tapisserie. Même si le temps estival engageait davantage à des balades en extérieur, je décidai quand même de visiter la "Cité internationale de la Tapisserie", afin d'y découvrir les techniques et l'histoire de ces ouvrages. Je n'ai pas spécialement apprécié la bâtisse, froide et bétonnée, qui semble répondre à des critères un peu trop modernes à mon goût de mise en avant du patrimoine. Certes, l'histoire n'empêche pas la modernité, mais pourquoi choisir un bâtiment aussi peu avenant au coeur d'une ville historique? L'une des réponses est donnée par la fin de la visite: ce centre accueille encore une forte activité de création contemporaine, aussi la volonté était-elle de marquer la projection vers le futur pour ne plus souffrir de l'image vieillotte de la tapisserie. En dehors de quelques ouvrages historiques traditionnels sur des thèmes mythologiques et bibliques, typiques des XVII-XVIIIè siècles, j'ai pu découvrir quelques belles pièces contemporaines aux couleurs plus vives.
J'ai terminé ma visite d'Aubusson par un passage sommaire sur les ruines du château qui surplombent la ville. Les ruines offrent un très beau point de vue sur la ville, même si le site en lui-même ne présente pas d'intérêt particulier. Il est d'ailleurs relativement négligé, les cannettes et autres déchets retrouvés au sol prouvent que le site est squatté dans ses recoins par des compagnies peu avenantes. 

Un passage par Le Monteil-au-Vicomte a ravi ma vue et ma soif d'histoire. J'ai tout d'abord particulièrement apprécié le calme du village. A peine sortie de ma voiture, je suis saisie par le silence. Ce silence propre aux petits villages alourdis par la torpeur de l'été et des rayons de soleil trop puissants. Quelques vagues bruits de portes ou de discussions dans des maisons de ce petit bourg accompagnent ce silence. Le bruit des insectes qui volent et bourdonnent. Les oiseaux cachés dans les arbres ici ou là, qui pépient et chantonnent. Je monte vers le site des ruines. Les ruines du château sont sauvegardées avec art et savoir-faire. Des explications claires parsèment le site pour rendre vie à ce château qui a eu son importance dans l'histoire locale. Plus que le château en lui-même, c'est tout le bourg qui m'a plu. Ces maisons anciennes, bordées de murs d'où la végétation dépasse. Des jardins vergers, des vieilles pierres dorées usées par le temps et marqueurs de vie. Et ce rythme indolent qui me donne envie de rester plantée là à écouter le silence seulement rompu par le chant des grillons.






Le but de ma visite en Creuse allait se concrétiser par une visite dont je n'aurais jamais soupçonné une telle magie. 

Ayant visité le musée du Moyen-Age à Paris deux mois auparavant, où j'avais été émerveillée par la série de la Dame à la Licorne, j'avais découvert suite à des recherches succinctes que ces tapisseries avaient en fait été retrouvées au château de Boussac. C'est en partie pour cela que je m'étais décidée pour la Creuse, en dehors de l'attrait évident que cette région représentait pour moi. J'ai été surprise par la vie de bourg, aux nombreux cafés et restaurants sur la place centrale, lieux de convivialité et de sourires. Je me dirirge vers le château pour le visiter: ce château est en partie privé et encore habité, seules des visites guidées sont donc proposées. Deux dames d'un certain âge accueillent les visiteurs. J'achète mon billet. On me signifie qu'on attend d'autres visiteurs avant de commencer la visite mais qu'en attendant je peux visiter la partie autour de l'accueil qui déjà me séduit: sols inégaux, murs épais, boiseries, style médiéval, trous dans le plancher, agrémenté de quelques sculptures en bois d'artisans locaux... J'y suis. Une fois terminé mon petit tour, la dame me dit "bon ben vous serez seule pour la visite". Aucun autre visiteur ne s'est présenté dans le quart d'heure. De ces moments que j'adore. Un château pour moi toute seule! 

Me voilà donc, à peu de choses près, maîtresse des lieux avec ma servante. Et pour être servie, j'ai été servie! Des demeures médiévales comme je les aime, aux matériaux nobles, quelquefois travaillés grossièrement, une odeur de vieux feu éteint, de la poussière, des objets en bois ou en métal aux fonctions domestiques quelquefois surprenantes. Comme je me sens bien. Je suis saisie d'une émotion vraiment forte, ma capacité de me projeter dans ce lieu et d'apprécier surtout le privilège de cette visite en solitaire me donnent une satisfaction incroyable. 


















J'ai tant rêvé ce château. Sa visite dépasse ce que mon esprit y avait anticipé. Je goûte chaque pan de mur, je savoure chaque clou des lourdes portes en bois, j'englobe chaque morceau de tapisserie, je respire le lieu. Il est en moi. Je suis au coeur de la France et je me retrouve enfin après tant de mois d'égarement et d'instabilité. Les pieds à terre. Les pieds qui foulent ce plancher médiéval et qui m'enracinent dans cette histoire que j'aime tant.  Je me sens bien.

D'autres surprises ont agrémenté mon séjour. Je souhaitais à tout prix visiter le château de Villemonteix, que j'avais repéré en préparant le séjour. Malheureusement, au moment de mon passage, la personne en charge du domaine m'a annoncé qu'elle avait un souci au niveau d'un étang et pour que ces raisons, le château serait fermé à la visite car elle devait intervenir de suite. 



Dommage, je me faisais une joie et surtout, une fois de plus, j'étais toute seule et je me voyais encore posséder ce lieu le temps de la visite. J'ai tout de même pu prendre de jolies photos de l'endroit, complètement isolé dans la campagne, et en ai profité pour faire une balade champêtre. Je n'ai pas eu l'occasion d'y retourner puisque j'ai occupé mes journées différemment. 

Par contre, un hasard complètement inattendu m'a fait découvrir une belle contrée. En allant acheter de quoi me restaurer brièvement pour ma pause méridienne au magasin d'alimentation générale de Pontarion, à moins de 10 minutes de la chambre d'hôtes, il m'a semblé apercevoir une belle demeure. Je suis donc sortie de la rue principale pour aller découvrir ce trésor. Et je n'ai pas regretté. La belle lumière ensoleillée faisait ressortir la chaleur de la pierre d'un château privatif. Cette demeure était entourée d'un grand espace vert le long du Taurion, une rivière dont on entend le clapotis quand on se promène tout du long, en contrebas du château. J'ai aussi pu admirer la magnifique église du village, aux nombreux trésors architecturaux, à commencer par son portail. 











Une bien belle région qui n'a pas fini de me livrer ses secrets, il reste tant à y voir... 

A commencer par le parc à loups de Chabrières, dans les Monts de Guéret. Je m'étais dit que j'irais mais au final, le reste des visites et des découvertes a occupé tout mon temps et c'est tout aussi bien. Il reste aussi pas mal de forêts et de villages dans la partie sud du département, annonciatrice de la Corrèze voisine. Un voyage qui appelle...