lundi 29 avril 2013

Et sinon, ça va?

Je suis allée ce matin à la visite médicale pour faire établir le certificat médical qui constate que je ne suis atteinte "d'aucune maladie ou infirmité incompatible avec l'exercice de mes fonctions".

Donc, pour info, si vous devez en passer une en vue de votre réintégration après une dispo, voici ce qui m'a été demandé:

- Avez-vous déjà été opérée?
( la réponse que je donne ne manque jamais de faire réagir les médecins... Opérée en urgence d'une perforation gastrique à l'âge de 15 ans suite à la prise d'un anti-inflammatoire: "J'ai jamais entendu ça!". Oui, "normalement", c'est après 60 ans qu'on a ça. Et "normalement", un médicament ne fait pas ça. Et "normalement", ça n'aurait jamais dû arriver. Ouais. Normalement. Depuis mes 15 ans je vous assure que je ne considère plus l'adjectif "normal" ou l'adverbe "normalement" sous le même angle que beaucoup d'entre vous.)

- Avez-vous des antécédents médicaux?

- Est-ce que vous fumez?

- Est-ce qu'il vous arrive de boire des boissons alcoolisées?

- Je vois que vous portez des lunettes (monsieur est observateur). Allez là-bas et lisez-moi les lettres que je vous montre sur mon écran.

- Suivez-vous actuellement un traitement?

- Prenez-vous ou avez-vous pris des psychotropes ou anxiolytiques? (Nan je devrais, pour la reprise, vous croyez?)

- Mettez les pieds joints, tendez les bras devant vous, écartez les doigts et fermez les yeux.

- Levez une jambe et gardez votre équilibre 5 secondes. Pareil sur l'autre jambe.

- Essayez de toucher le sol avec vos mains en vous baissant sans forcer.

- Vous pesez combien? Et votre taille?

- Vérification du rythme cardiaque et de la tension.

Bon ben vous êtes apte, physiquement et psychiquement.

Et c'est 26 euros et c'est pas remboursé.

Ce qui me fait marrer c'est que tout est déclaration sur l'honneur. Si j'avais un traitement lourd, si j'avais de réels problèmes psychiques, si j'avais réellement une pathologie lourde, comment le déceler avec un simple entretien?

samedi 27 avril 2013

En avril, on essaie de ne pas perdre le fil.

Joseph est actuellement en Floride pour les travaux de la maison. La moquette a été enlevée. Elle ne lui permettait pas une progression facile avec son fauteuil donc hop, c'est dégagé. Un professionnel est venu évaluer les travaux pour élargir la porte de la salle de bains et installer une porte coulissante. Cela sera fait début juin. Joseph a aussi eu la bonne surprise en arrivant de constater que la rampe d'accès à la maison que lui avaient promise ses voisins a été posée en son absence. Ils en avaient parlé le mois dernier et ils ont fait fonctionner la solidarité: l'une des personnes du lotissement est un charpentier à la retraite. Malgré ses 85 ans, il bricole toujours, et c'est tout naturellement que l'idée lui est venue de créer cette rampe sur mesure pour rendre service à Joseph.  C'est vraiment adorable, et c'est une preuve supplémentaire que les Américains, contrairement à nos idées reçues, ne vivent pas enfermés dans un individualisme indifférent aux besoins des autres.

Quand Joseph  n'a pas la tête dans les travaux il profite de la plage, du soleil, et des 30°C ambiants!Il a d'ailleurs écopé de son premier coup de soleil, et pourtant il a la peau mate et réceptive au soleil, c'est dire qu'il doit taper (le soleil, pas Joseph. Faut suivre). Il est retourné à Caspsersen Beach et Manasota Key Beach pour y chercher des dents de requin fossilisées et a fait de bonnes trouvailles. Il vient d'ailleurs de créer une nouvelle chaîne Youtube, qui sera exclusivement consacrée à sa vie en Floride et aux activités qu'il y pratique.

Il me tarde vraiment d'aller le retrouver. Je n'ai pas trop la pêche en ce moment. Beaucoup d'échéances capitales qui arrivent et le sentiment que je ne vais pas y arriver. Je ne désespère pas, mais bien sûr cet éloignement devient inhumain et rend mes journées pesantes.

Vivement début mai pour me retrouver là-bas! Nous devons aller passer une semaine à Pittsburgh, en Pennsylvanie. Un nouveau séminaire de linguistique a lieu, et Joseph sait que je souhaitais l'y accompagner donc nous associerons l'utile à l'agréable. Joseph n'est pas du tout fana de linguistique, mais souvenez-vous, il avait été contacté par un Professeur d'université qui souhaitait que Joseph devienne consultant pour lui car il aimait tout particulièrement la façon dont il communiquait sur le handicap dans ses vidéos sur Youtube. J'espère y apprendre des choses, et qui sait, les mettre en pratique dans mon métier.

lundi 22 avril 2013

Un lundi en France.

Submergée par le temps libre d'une matinée bien plus longue que prévue (ouais, j'avais prévu une grasse mat' mais c'est à 5h40 que je me suis éveillée après un rêve très très étrange où le papa de Joseph m'offrait une voiture semblable à celle de Gran Torino, mais sans carrosserie et sans pare-brise; et pourtant je la trouvais vraiment top dans mon rêve. Pfff), je décide de passer quelques coups de fil pour des RDV que je "dois" prendre.

Premier coup de fil à un institut de beauté. Pardon. TROIS. 

Donc. Aux Etats-Unis, quand j'appelle mon institut, tu entends le sourire au téléphone. La voix est douce, avenante, et le service va dans le sens de ton appel. A savoir: tu les appelles pour un service que tu vas payer, tes destinataires se montrent donc à la hauteur de la thune que tu vas leur lâcher. "Bonjour, oui, bien sûr pas de problème, qu'est-ce qui vous arrange? Avec grand plaisir, à bientôt, merci de votre appel, n'hésitez pas à rappeler si vous souhaitez autre chose!". Avec en prime un coup de fil de courtoisie qui te demande ton avis sur la qualité de l'accueil téléphonique de réservation. "L'interlocutrice s'est-elle montrée aimable? arrangeante? A-t-elle répondu à vos attentes? A-t-elle proposé une solution à votre appel?".  Mais ça, c'est aux Etats-Unis.

Là, je suis en France. Donc j'appelle. Premier refus. "Ah ben non, on est complet, complet. Désolée". Je m'y prends pourtant 10 jours à l'avance, enfin, c'est pas une dernière minute, quoi. Soit. Je comprends que ça puisse être complet. La dame me propose néanmoins de téléphoner à leur deuxième magasin qui dispose également d'un institut dont elle me donne le numéro.

Et là, le sketch. "Bonjour Madame, j'ai été redirigée par vos collègues de l'autre magasin qui sont complets pour des soins que j'ai choisis, alors je..." - "Ouh là là, mais ça n'ira pas, j'en ai une en congés, et moi je suis pas là, non non ça ira pas!"- "Mais, euh... je vous ai pas encore dit la date que je souhaite, ce serait pour le 3 mai" - "Aaaaaaaaaaah d'accord j'ai eu peur (de travailler???). Bon alors, voyons voir. Pfffffff ouh là là."

Voilà, en France, c'est OUH LA LA. Ouh là là je vais devoir bosser. Ouh là là vous me dérangez même si c'est aussi mon travail de prendre vos appels au téléphone pour un RDV, sans quoi ya pas de travail. Ouh là là l'agenda va se remplir (c'est plutôt une bonne nouvelle, pour une entreprise, non?). Voilà voilà.

Donc finalement, c'était non. 

J'ai trouvé mon bonheur lors d'un troisième coup de fil dans une autre enseigne. Sans problème cette fois-ci. Ouf.

Partie dans ma lancée des appels téléphoniques, je décide ensuite de prendre RDV avec un médecin agrée car l'Inspection Académique me demande de leur adresser, je cite, "un certificat médical constatant que [je ne suis ] atteinte d'aucune maladie ou infirmité incompatible avec l'exercice de [mes] fonctions", car j'ai demandé ma réintégration pour septembre, et après une année de dispo, tu dois prouver que tu es apte à reprendre. Mouais. Il serait sans doute aussi envisageable de vérifier si ceux qui sont en fonction le sont encore. Je dis joker.

Donc, je résume: je dois prendre RDV chez un médecin pour surtout qu'il me trouve: rien.  
Vous connaissez le sketch d'Elie Semoun avec Monsieur Piche? "Bonjour, c'est monsieur Piche, j'appelais pour direeeeee... bah euh... rien". Me voilà obligé de jouer les Monsieur Piche à la demande de mon patron.

Je vous raconte pas la réaction de la secrétaire médicale: "Mais euh, c'est pour quoi en fait, j'ai pas compris?". 

"Bah, euh, je réintègre mon activité en septembre et mon Inspection académique exige un certificat médical comme quoi je ne suis pas malade".

"Ah d'accord"

Pas mieux. En 5 lettres. Piche.

Piche Piche Piche.

vendredi 19 avril 2013

Teacher of The Year!

Je suis passée un nombre incalculable de fois devant un lycée aux Etats-Unis qui se situe à un carrefour passant. Près de la route, un immense panneau d'affichage qui diffuse des informations propres à la vie du lycée, soit la réunion parents-professeurs, soit une journée spéciale, soit la date de rentrée, soit un message de bienvenue au nouvel intendant, un message de bonnes vacances, etc.

Et le mois dernier, voici ce qui était affiché:




"Teacher of the year"!

Hé oui, aux Etats-Unis, les établissements scolaires élisent leur professeur de l'année et le félicitent sur la voie publique: celui qui s'est le plus investi, qui a mené des actions bénéfiques ou dont les élèves obtiennent de bons résultats. Encourager les initiatives ou le mérite par la reconnaissance (et une prime), voilà qui ferait hérisser les poils de bien de mes collègues français... ou qui pourrait peut-être permettre à certains d'entre eux de se réveiller un peu?

Je n'ai pas dit que c'était la panacée. Ça remet évidemment en cause un certain nombre de principes de la fonction publique française: la sacro-sainte ancienneté (que certains collègues assimilent à leur efficacité. Hélas. Si les profs étaient comme le vin et qu'ils se bonifiaient en vieillissant, ça se saurait) et la sacro-sainte égalité (au détriment de l'équité).

A force de dire que tout (le monde) est égal à tout (le monde) et vice versa, on finit par perdre le nord et décourager les initiatives. Un mal très français.

mercredi 10 avril 2013

Attention: bombe!

Hier, je parcours le site du Figaro et tombe sur un article vantant le blog de Charlotte, "jeune parisienne en fauteuil", qui est passée dans l'émission "7 à 8" sur TF1 du 17 mars dernier.

Ni une ni deux, je vais sur son site (oui, j'ai que ça à faire, en dispo, vous le savez bien!), et là: BING! C'est éclats de rire sur éclats de rire. Le récit de ses expériences dans des lieux inaccessibles et de la confrontation avec "les gens" est relaté avec cet humour qui m'est si cher et bien sûr je nous reconnais, Joseph et moi, dans certaines situations.

C'est comme dans le cochon: tout est bon. (Si Charlotte me lit, qu'elle sache que je vénère les cochons* et que donc ceci est un compliment). Surtout, à ne pas louper: son billet sur les voyages en Inde et en Israël, et ses déplacements avec la RATP et les taxis, du labellisé "accessibilité made in France".

Tout ce que je pourrais en dire d'autre ne serait que superflu, donc sans plus attendre, allez lire son blog:


http://wheelcome.net/


Des nouvelles, vous m'en direz. 

Et son adresse, vous transférerez. 

Et merci, vous me direz.

(Petit clin d'oeil à une private joke entre Joseph et moi: il me dit que Yoda devait être français car quelquefois, par habitude des propositions circonstancielles dans notre langue, je parle comme ça en anglais et ça le fait mourir de rire)


* aucune référence à DSK

dimanche 7 avril 2013

Vos questions. Mes réponses.

Quelques réponses à des questions qui me sont souvent posées.

Quel type de fauteuil a Joseph?

Il a un fauteuil manuel. Il n'a jamais eu de fauteuil électrique et espère repousser cette échéance pour continuer à faire travailler physiquement le haut du corps le plus longtemps possible. Il craint, plus que tout, de perdre la force de ses membres supérieurs et fait tout pour conserver ses muscles. D'où son assiduité à la salle de muscu. Il rêve de participer à nouveau à une compétition de bodybuilding comme celle à laquelle il a raflé la deuxième place il y a deux ans.

Son fauteuil est un Ti-Lite, en titane, très léger. Seul le dossier se rabat.

Un fauteuil, c'est comme un véhicule: vous choisissez les options, les accessoires et les finitions en fonction de vos besoins et de vos goûts mais s'agissant d'un situation assise permanente, autant miser sur la qualité pour s'assurer un confort maximal et surtout s'assurer de l'ergonomie et de la pratique du fauteuil. Un fauteuil comme le sien vaut, au bas mot, dans les 4000 euros.

Pour les gens qui ne sont pas familiers avec le monde du handicap moteur:  sachez qu'un élément essentiel du fauteuil est le coussin d'assise anti-escarre. Le sien est un coussin gel Jay2 Deep Contour qui vaut environ 700 euros et bien sûr cela se change régulièrement. Les freins, un peu moins souvent. Et évidemment, comme tout objet technique qui se vend, les pièces détachées évoluent et quelquefois,elles changent de gamme et obligent la personne à envisager de changer de fauteuil. Cela lui est arrivé il y a deux semaines: son frein gauche étant (encore!) détérioré, un technicien est venu repasser commande. Et a annoncé à Joseph que son fauteuil ne se faisait plus et que la pièce en question n'existait plus... Changement de fournisseur, délai de commande, .... tout cela au détriment du besoin réel et souvent immédiat de la personne handicapée qui peut voir son autonomie diminuée de fait par ces contre-temps.

Il existe plusieurs types de pneus. Etant plus jeune, Joseph avait des pneus plus épais qui assuraient un meilleur amortissement des chocs, mais les pneus étaient crevables et après avoir crevé une fois, c'est-à-dire complètement perdu son autonomie le temps que soit changé le pneu, il n'a pas hésité longtemps avant d'opter pour un pneu plus ferme, qui bien que moins amortissant, est increvable.

Est-ce qu'il conduit?

Oui. Il se déplace essentiellement avec sa Saturn 2 places, qu'il adore (et moi aussi!). Pour voir comment il embarque dans sa voiture et comment il en sort, voir cette vidéo:

[CLIC DROIT PUIS "OUVRIR LE LIEN DANS UN NOUVEL ONGLET"]

http://www.youtube.com/watch?v=qbLOn7gxwbs

Mais il utilise aussi souvent son van, un monospace aménagé à l'arrière pour recevoir le fauteuil. Quand il le conduit, voici comment il y monte et passe à l'avant:

http://www.youtube.com/watch?v=kD_ZfdWw4c0

Quand il est passager, il reste à l'arrière et s'assied sur la banquette, qu'on ne voit pas sur la vidéo. C'est avec le van qu'on est parti en Floride. Nous avions aussi aménagé un lit à l'arrière, pour y faire des ... euh pour se reposer vu que le voyage était long. La station assise permanente étant très douloureuse pour le dos et créant aussi de la pression dans le bas du dos, les fesses et les cuisses, Joseph, comme toute personne en fauteuil, ressent le besoin de se coucher souvent pour répartir de façon différente le poids du corps et ainsi éviter les escarres et les courbatures. Il est intéressant de noter qu'en anglais, escarre se traduit "pressure sore" (=des maux de (provoqués par la) pression).

Il prévoit de tourner une vidéo sur les commandes manuelles de la voiture le mois prochain, suite à de nombreuses demandes que j'ai eues sur la conduite de sa voiture. A noter que les commandes manuelles n'annulent pas la conduite "traditionnelle": quand c'est moi qui conduis ses voitures, j'ai le choix d'utiliser les commandes manuelles ou aussi les pédales. La conduite avec commande manuelle est d'une simplicité enfantine, par contre sur les longs trajets elle sollicite beaucoup les triceps.

Il a passé son permis à 19 ans. Une anecdote qui pourrait prêter à sourire si elle n'était pas aussi frustrante et révélatrice du manque de sérieux quant à la prise en compte du handicap: quand Joseph a commandé sa Saturn, c'était bien sûr avec les commandes adaptées à son handicap. Le jour de la livraison de la voiture, tout content, il ouvre la porte pour essayer sa voiture. Et là...

- Où sont les commandes manuelles que je vous ai commandées? demande Joseph
- Ah... Vous en avez vraiment besoin? a répondu le vendeur de voiture.

Non, je fais semblant d'être paraplégique et j'aime me compliquer la vie en commandant des accessoires inutiles...

Ça me rappelle l'hôtel à Québec où la réceptionniste m'avait dit "on n'avait pas vu que votre compagnon était en fauteuil" alors que c'est Joseph qui avait rempli les papiers, payé la chambre et réceptionné la clé à l'accueil et qu'au final ils nous avaient donné une chambre non accessible en fauteuil. Restons calme.

Comment gère-t-il le regard des autres?

Il s'en contre-fiche. Il a grandi depuis tout petit avec ce handicap et part du principe que ce n'est pas à lui de s'adapter à la société mais à la société d'adapter aux besoins ou déficiences de tous ses citoyens. Le regard et l'acceptation de la différence en font partie. J'ai déjà raconté cette anecdote où il se baladait sur le front de mer, torse-nu et en short et où son amie lui demandait s'il n'était pas gêné par tous ces gens qui regardaient ses jambes (je précise pour ceux qui ne l'ont jamais vu que ses jambes sont atrophiées du fait qu'aucun muscle du bas du corps n'a jamais servi depuis l'âge de 6 mois, âge auquel il est devenu paraplégique). Sa réponse avait sidéré son amie: "Ah bon, y'a des gens qui me regardent?". Et il était sincère.

Le regard des gens l'a perturbé à l'adolescence, âge de transformation de son corps, des premières expériences sociales et petites copines. Le fauteuil a malheureusement été un obstacle à ses relations, amicales comme amoureuses. Il précise aussi qu'il ne supportait pas que les gens le prennent en photo avec son fauteuil car il cherchait, bien légitimement, à ce que les gens le considèrent pour sa personne et non par/pour son fauteuil.

Et toi?

J'ai le même point de vue que lui: je m'en contre-fiche; et cela est encore accentué par le fait que Joseph ne se considère comme handicapé que dans la mesure où la société lui rappelle qu'il l'est. Il est en fauteuil pour répondre à une contrainte physique, et quand nous nous déplaçons au mall, au ciné, en ville, à la plage, à l'hôtel, au resto, au théâtre, à la gare, ..., dans la mesure où ces lieux ont été pensés pour tout le monde, le handicap n'est pas une contrainte.

Bien plus facile à dire aux Etats-Unis, où globalement TOUS les endroits sont accessibles dès lors qu'ils sont publics, ADA oblige. Cet acte (Americans with Disabilities Act), passé en 1990 par le Congrès Américain sous la présidence de George Bush père, régit tout problème relatif aux droits des personnes handicapées aux Etats-Unis: emploi, espaces publics, transports, commerces, télécommunications. Je n'ai pas le souvenir de m'être rendue dans un endroit inaccessible aux fauteuils aux Etats-Unis: restaurants, magasins, écomusée, arcades de jeux, ... Tous ces endroits sont accessibles et équipés (y compris toilettes). Une partie du Liberty Hall de Philadelphie, monument historique s'il en est, n'était pas accessible, néanmoins.

Pour revenir au regard des autres: son fauteuil, et donc son handicap, est visible pour les gens. Me concernant, quand nous nous sommes parlés sur internet pendant des mois après notre premier message, ce n'est pas avec le repose-pied de son fauteuil ou le frein de son pneu droit que j'ai échangé, ri, découvert et créé du lien, mais avec une personne intelligente, drôle, sensible et donc séduisante.

Que pense-t-il de l'accessibilité en France?

Nous n'avons globalement pas eu de mauvaise surprise lors de notre séjour à Paris, à ma grande surprise, et à la sienne, car il avait entendu beaucoup de mal de l'adaptation des lieux publics en France. Il a par contre été très désagréablement surpris par la saleté des trottoirs en général. D'autant que les mains sont sollicitées en permanence pour faire avancer le fauteuil et qu'il devient difficile d'éviter certains obstacles ou déchets. Je ne vous parle même pas de notre ennemie à tous, la crotte de chien... En dehors de l'évident problème de salubrité publique, il s'agit aussi d'une atteinte directe à la dignité des personnes en fauteuil car si elle est l'ennemi de nos chaussures, pour les personnes en fauteuil, c'est l'ennemi de leurs mains ou de leurs manches de vêtements. Hé oui, il faut y penser... une fois de plus, les USA ne sont pas un eldorado pour tout mais depuis le temps que j'y vais, que je visite, que je me balade, villes ou campagnes, je n'y ai JAMAIS vu de déjection canine. Jamais. Les gens sont ultra disciplinés.

L'accessibilité à Metz a par contre été très décevante pour une ville labellisée "Tourisme Handicap". Il a failli tomber de son fauteuil sur le trottoir de la Cathédrale car l'interstice entre les pavés est un vrai piège à fauteuil. Et impossible d'aller sur la route étant donné que toute la Place d'Armes est pavée. Ne serait-ce qu'un tant soit peu envisageable de penser à tous ces gens à mobilité réduite qui passent par cette place? Et je ne parle pas que des fauteuils. Une poussette, une canne, des béquilles, ou tout simplement une foulure, la vieillesse, des pertes d'équilibre... Une personne à mobilité réduite, potentiellement, c'est tout le monde. A quand cette prise de conscience? Je doute que le 3 décembre, Journée Internationale des Personnes Handicapées, serve à elle-seule à faire prendre conscience au grand public des difficultés rencontrées par ces personnes. Ce qui agace par dessus-tout, c'est l'aspect "journée" de cette prise de conscience, car concrètement, une personne handicapée [vous remarquerez que je parle de "personne" handicapée. Le handicap est un attribut. Ce n'est pas une essence ni une définition. Le handicap ajoute, enlève, conditionne, transforme, mais ne détermine pas] vit avec son handicap en permanence et pour tous les gestes du quotidien. La "Journée" du handicap, ça fait bien rire Joseph... Les journées du handicap, pour lui, c'est tous les jours depuis 30 ans.

Et puisqu'on parle de pavés et de chute, hé bien il n'y a malheureusement pas coupé sur la place Kléber à Strasbourg. Il est tombé de son fauteuil. Je rappelle qu'un paraplégique n'a pas de contrôle abdominal donc la moindre perte d'équilibre entraîne le haut du corps et vérifie sans aucune erreur la loi de gravité terrestre. Moi qui me réjouissais de lui faire découvrir la capitale de l'Alsace, notre après-midi y a été un cauchemar car le fauteuil s'y est incrusté dans les pavés et a rendu notre balade pénible. Et je ne parle même pas de la non-accessibilité des restaurants et hôtels de centre ville. Nous n'y retournerons pas. Je précise aussi que ce n'est pas seulement une histoire de pavés, car les pavés de Delft, aux Pays-Bas, étaient, eux, parfaitement praticables.

Je précise que tomber fait partie des apprentissages de rééducation pour les paraplégiques et que sur ce point Joseph est intraitable avec moi, et quiconque s'adresse à lui après sa chute: c'est niet pour l'aider à remonter. Il se débrouille tout seul et toute proposition de coup de main est souvent vécue comme une remise en question de son autonomie. Donc les trois fois où cela est arrivé en public depuis que l'on se connaît, je suis passée pour une espèce d'ingrate paresseuse qui regarde son ami se débrouiller tout seul; la vérité est qu'il ne souhaitait surtout pas être assisté pour le faire. Cela fait partie des apprentissages que moi, j'ai eus à faire.

Pour avoir une idée du transfert réalisé à l'occasion d'un chute (un déplacement du ou vers le fauteuil s'appelle un transfert):

http://www.youtube.com/watch?v=uMzLn768fSA


... et les toilettes?

 Dans la malchance générale de sa condition, Joseph a néanmoins une chance extraordinaire: contrairement à ce qu'avaient dit les médecins au moment de l'accident qui l'a rendu paraplégique, il n'a pas besoin de se sonder pour uriner. Il fait ses besoins "comme tout le monde", si ce n'est qu'il a besoin d'aller aux toilettes beaucoup plus souvent. Et ÇA, pour le coup, c'est un réel problème en France. Trouver des toilettes tout le temps et partout (et propres...), bonjour... Une fois de plus, aux Etats-Unis, c'est bonnard. A moins de partir dans le désert de l'ouest, les toilettes, il y en a partout, et elles sont propres et GRATUITES. Et toujours prévues pour des personnes handicapées. Evidemment, les exceptions existent. Voilà aussi  pourquoi , chers lecteurs, il est important de ne pas utiliser les toilettes handicapées car au-delà de l'aspect purement pratique de l'entrée du fauteuil dans les toilettes, il est plus que probable qu'une personne handicapée qui rentre dans les toilettes ait besoin de les utiliser sans attendre.

Je précise que Joseph évoque ces points dans des vidéos ou sur son blog et que c'est pour cette raison que je me permets d'en parler.

Je pense avoir couvert dans cet article un certain nombre de vos interrogations récurrentes.  Si certaines choses n'étaient pas claires, ou que d'autres choses vous venaient en tête, n'hésitez pas à demander. Une explication franche vaut mieux que des suppositions incorrectes.