jeudi 28 février 2013

J-1

Enfin! Je vais aller retrouver Joseph.

Un mois et demi sans se voir, on n'en peut plus... On se réjouit d'avance de notre hug à l'aéroport, ces quelques minutes hors du temps où l'on se retrouve après tout ce temps l'un sans l'autre. Ça va câliner sévère!

Même avec ces 6000 km qui nous séparent, notre communication quotidienne nous fait tenir et donne une grande force (merci Viber :-p). Cette force que je trouvais aussi dans mes discussions quotidiennes avec maman quand j'étais de l'autre côté de l'Atlantique. Je ne sais pas comment je vais gérer la disparition de cette habitude car je lui confiais tout (ou presque) et cela me soulageait.

2013 promettait d'être une année de transition; nous y voilà.

Même défis, mêmes envies. Au boulot, Christelle.

lundi 18 février 2013

Jeu de l'amour et du hasard.

Vous l'attendiez, le voici, ce post sur notre rencontre.

Vous pardonnerez le ton familier de mon récit. J'ai vraiment tenté de retranscrire de quelle façon j'ai découvert celui qui partage ma vie.

Un soir de février 2011, je suis chez moi, sur internet. C'est le premier soir des vacances d'hiver. J'ai passé une journée difficile au travail, où l'une de mes élèves, une brave jeune fille sérieuse et volontaire, a tout fait pour faire plaisir à son professeur d'EPS (moi), en se donnant à fond malgré ses difficultés. Et pour cause: elle a un problème aux genoux qui l'empêche de marcher comme les autres; alors courir et réaliser des performances... Je décide, à tête reposée, le soir, devant mon ordinateur, de rechercher des pistes pour l'aider à mieux se sentir et surtout m'assurer que ce que je lui propose contribue à l'aider et non à la faire souffrir davantage. Car la voir pleurer de douleur, ce n'est pas ce que je recherche, et c'est pourtant comme cela que ça a fini...

Je décide donc d'entamer des recherches sur internet. Deux semaines de vacances, j'aurai bien le temps de trouver des choses réalisables pour moi et pour elle. Des étirements, du fitness, de la gym au sol, ...  je suis à l'affût de tout type de conseil ou proposition. Je tente pas mal de mots clés pour dégoter des programmes. Je switche rapidement sur Youtube. Les tutoriels y sont nombreux pour tout et n'importe quoi, et en voyant faire, je saurai mieux comment l'aider, comment me placer au cours de ces exercices assistés. Aucun des mots clés renseignés ne m'envoie sur quelque chose de satisfaisant. Elle a quoi, déjà? Une démarche spastique. Je tente. Niet. Y'a bien des kinés ou des coaches qui proposent des trucs en ligne, bon sang! Et si je tente en anglais? Les Anglo-saxons balancent plus de vidéos, j'aurai peut-être plus de chance avec des mots clés en anglais. Allons-y: spastic gait. Je regarde quelques vidéos. Rien de bien parlant.

Après le visionnage de plusieurs vidéos inintéressantes, je repère une belle gueule, dans la bannière, sur le côté droit. C'est quoi , sa vidéo, à lui? Je clique pour voir.

Je sors de mon champ de recherche: il est paraplégique et montre comment il marche avec ses béquilles et ses orthèses. Ça ne m'aide absolument pas pour ma recherche. Mais quand même, j'aime bien sa vidéo. Chapeau. Il parle bien, tout naturellement. Il a quelque chose d'intelligent et d'humble dans son regard, de très doux dans sa voix. Pas mal.

Pas mal du tout.

Tiens, il a d'autres vidéos.  Waouh, cool, sa voiture! Il explique comment il monte dedans, comment il met son fauteuil dedans, comment il le sort et comment il en sort.

Instructif. Simple. Efficace.

Avec un naturel désarmant.

Et charmant, avec ça. =)

(L'hameçon est lancé. J'avais pas des recherches à faire, moi?)

Trop bien, ses vidéos! Je les regarde pratiquement toutes, et il y en a un paquet! Quelle simplicité dans son discours. Et cette force, dans les bras! Il marche sur les mains, l'air de rien, mais c'est dingue! Comment il fait ça? Et ce naturel, avec lequel il montre et parle de son handicap. L'air de rien... Incroyable. Et drôle. Il a de l'humour. J'aime!

Tiens, il mentionne qu'il a un blog dans une vidéo. Je clique. Je suis collée à l'écran. Je suis.... je suis... comment dire? Scotchée. Je lis, je dévore ses articles. Il s'appelle Joseph. Ce qu'il raconte me parle. Cet humour! Encore plus que dans les vidéos. Sarcastique, décalé. J'ai envie de répondre à certains de ses articles. Trop tentant. Même humour. J'adore!

Mais ça sert à quoi? Il s'en fout, de toute façon. Ou peut-être pas. Sinon, pourquoi il fait des vidéos? On peut commenter. Allez, je commente. Mais pour dire quoi? Que j'aime? Pour ça, on peut cliquer "j'aime", et ça suffit. Non, non. J'ai envie de lui dire quelque chose.  J'aime ce qu'il dit, fait, montre, explique. Il faut toujours dire aux gens quand c'est bien, c'est important. Je réfléchis à comment lui dire sans paraître neuneu et en étant un peu originale. En attendant de trouver l'inspiration et les mots justes, je regarde ses autres vidéos. Punaise, il fait de l'escalade! Ouh là là, et moi avec mes étirements-relaxation de mamie au sol! HEIN! Il prend les escalators avec son fauteuil! Mais il est fou! Je commente quoi, qu'il est fou? Et il joue de la musique, il compose. J'adore l'une de ses compositions, A Little Lullaby*. Je l'écoute en boucle. Mais il sait tout faire, lui!

Allez, je me lance. Oui , mais quoi? Comment? Ouh là là, je veux pas passer pour une cruche. Et c'est quoi , ça, parler à des inconnus? J'ai jamais fait ça, moi! Allez, ça sert à rien, je laisse tomber.

Je descends me faire un café. Boum, boum, boum. Ça remue, là-dedans. Je ne connais pas ce sentiment perturbant. Je me sens coupable de vouloir parler à un inconnu sur internet. Ça ne me ressemble absolument pas. Et pourquoi ça me stresse, d'abord? C'est un inconnu, justement, je ne devrais pas être stressée comme ça!

Je remonte. Je ne peux pas expliquer. C'est plus fort que moi. Je dois lui dire.  J'ai envie qu'il le sache. Il se passe un truc.

Je tente un commentaire humoristique. C'est le mieux. Je vais prendre une vidéo "neutre": celle de sa croisière en Méditerranée. J'ai fait la même quatre ans avant (la croisière, pas la vidéo). Que de souvenirs!  ZUT! Faut être inscrit sur Youtube pour commenter. Je veux rester anonyme, moi! Rooooooooooo. Bon allez, je me lance. Cette fois-ci c'est la bonne.

Inscrite. Et nerveuse comme pas possible. L'impression de faire quelque chose, poussée par une force invisible.

Je commente avec un humour à deux balles une remarque qu'il a faite dans sa vidéo sur des toilettes en Italie. Humour décalé pour humour décalé, autant attaquer sur un sujet trivial. Advienne que pourra.

Mais au fait, il vient d'où? Je n'identifie pas son accent immédiatement. Voyons voir, que dit-il, dans sa présentation? Etats-Unis. Ah. C'est loin. C'est loin, et pourtant, je vous assure (c'est complètement irrationnel), j'ai la certitude que je le rencontrerai un jour pour discuter de choses et d'autres comme il le fait dans ses vidéos et sur son blog.

Il est tard. J'ai fait une découverte fort plaisante, je suis contente. Il est original, ce Joseph, et j'ai passé un bon moment à le lire, le voir et l'écouter. L'impression de l'avoir toujours connu et compris immédiatement alors que ça ne fait que deux heures que j'ai pris connaissance de son existence.Je vais aller me coucher. Une première nuit de vacances bien méritée, je suis fatiguée.

******

Le lendemain, surprise: il a répondu au commentaire que j'ai laissé. Ça alors, je ne m'y attendais pas du tout! Mon commentaire l'a fait rire... Soulagement. Je renchéris. Il répond à nouveau.

Echange de phrases simples et brèves pendant quelques jours. Puis je tombe sur une vidéo où il dit "demandes particulières bienvenues". Hé bien je vais lui demander une chanson, puisqu'il le propose! Il me répond qu'il a reçu la requête, mais qu'il ne garantit pas de délai de réalisation car il a eu d'autres demandes avant. Ce à quoi je lui réponds: "J'ai passé 32 ans en ignorant ton/votre existence, je pourrai bien encore attendre quelques semaines. Y'a pas le feu".

Et là encore surprise... Il me contacte deux jours après pour me dire: la chanson est faite. Et publiée sur Youtube. Je le remercie; il me dit "j'ai pris en compte ta demande avant celle des autres". Avec un petit clin d'oeil. ;-)

Voilà... C'est comme ça que je l'ai rencontré. Sur internet, mais absolument pas sur un site de rencontres. Youtube, c'est bien; je recommande!  :-p.

L'échange de messages succincts a ensuite donné lieu à des échanges de longs mails quotidiens, quelquefois plusieurs fois par jour, avec beaucoup, beaucoup d'humour, et sur des thèmes aussi variés que la géographie, la littérature (il adore Les Misérables et Le Petit Prince, ça alors!), la peinture (il adore Seurat et me parle du "Dimanche à La Grande Jatte"... ça alors!), la religion, le bonheur, les gens, ... Ce n'est qu'après un mois et demi d'échanges mailistiques quotidiens que nous avons eu un premier échange en direct sur Facebook, avec une confidence partagée: c'est bien la première fois que l'un et l'autre, tous les deux assez craintifs sur ce sujet, acceptons un ami sur Facebook qui n'est pas une connaissance de la real life.

Les échanges quotidiens continuent. Nous nous sentons sur une même longueur d'ondes. Jusqu'à une déclaration de Joseph: il se sent bien avec moi; si seulement j'habitais proche de chez lui pour que l'on puisse échanger tout ce que l'on raconte en vrai et rire de tout ce qui nous fait rire en vrai...

Boum boum.

Et un beau jour de mai, cette autre confidence: il s'est mis à rechercher les vols et les hôtels proches de Metz pour venir me rendre visite, un jour. Un jour qui ne serait pas avant décembre, car son activité au théâtre le tient occupé jusque là... Pff... Attendre tout ce temps...

Ce sentiment de sérénité et de bien-être lors de nos communications, et après, une fois qu'on a déconnecté, serait-il trop fort et trop beau pour être vrai? Pourquoi toujours remettre à demain? Je suis angliciste, j'adore  aller à l'étranger, je suis prof, j'ai bientôt de longues vacances et aucun projet particulier pour les occuper... y a-t-il une raison d'attendre?  Puis-je me permettre de me priver de ce plaisir? Pourquoi ne pas forcer le destin?

Forcer le destin... "Petit" problème... Il faut prendre un moyen de locomotion que j'ai une peur bleue de prendre et que je m'étais jurée, après un vol Paris-Glasgow dix ans auparavant, de ne jamais retenter.

Oui mais...  Si c'était le bon?

Une seule façon de le savoir. Aller le voir. Et si ce n'est pas lui ou que nous sommes déçus l'un par l'autre ou l'un de l'autre, hé bien on ne pourra pas se reprocher d'avoir laissé passer l'occasion de le savoir.

Il faut croire qu'il est des moments dans la vie où l'on sait quoi et comment faire pour parvenir à ses fins, au détriment de ses doutes et de ses angoisses les plus profondes. "La fin justifie les moyens". Je fais ma demande de passeport que je reçois très rapidement et réserve un vol dans la foulée pour début juillet. Pour le premier jour de mes vacances d'été, exactement. Pas de temps à perdre. La vie est courte. Et nous n'en pouvons plus de cette envie de nous rencontrer qui nous ronge et qui rend nos échanges pourtant virtuels si réels, avec un impact tellement fort sur notre quotidien.

Je repense avec tendresse au moment où j'ai annoncé à mes parents que j'allais passer 10 jours de mon été aux USA pour rencontrer une personne qui partageait mon quotidien depuis bientôt quatre mois. Je revois très nettement la réaction de maman avec son inquiétude, fort légitime, que je tombe sur un psychopathe qui veut s'en prendre à moi physiquement. Et tout pendant qu'elle m'exprime ses peurs, dans ma tête, je vois Joseph, en fauteuil, en train d'essayer de me courser avec un couteau ou pour m'étrangler, et à l'intérieur ça me fait rire** mais je ne veux pas lui montrer pour ne pas qu'elle croie que je me fiche de ce qu'elle dit. L'appréhension, elle existe pour moi aussi (internet est une jungle), mais elle est vraiment amoindrie par l'ensemble des vidéos et des échanges qui durent maintenant depuis des mois. Ne sachant pas comment dire à mes parents que Joseph était en fauteuil, je leur ai simplement dit, ce soir-là: "j'aimerais vous montrer quelque chose sur internet. Je ne sais pas si ça va vous rassurer, mais au moins vous visualiserez quelque chose". C'est comme ça qu'ils l'ont vu la première fois, monter dans sa voiture, faire de la muscu et chanter sur scène.

******

Nous étions l'un et l'autre angoissés par la perspective de décevoir l'autre après des mois d'échanges sublimes et prometteurs de compatibilité. Lui avait l'appréhension supplémentaire que son handicap qui ne me gênait pas dans notre correspondance soit un blocage dans la réalité.

Il n'en fut rien.

Notre première rencontre à l'aéroport a été magique et romantique à souhait. Un pur enchantement de s'être trouvés, enfin, et d'être, enfin, dans les bras l'un de l'autre pour un hug inoubliable. Il avait dissimulé une rose rouge dans son sac à dos, derrière son fauteuil, pour me faire la surprise à mon arrivée. Digne d'un film.

Nous avions ri de cette première rencontre en tentant de l'anticiper des semaines à l'avance. Au cours d'un de nos goofy talks, je lui avais demandé "mais comment je te reconnaîtrai?", sachant très bien à quoi je devais m'attendre. Il m'avait dit "j'aurai un vêtement à paillettes et un chapeau. Mais au pire, si tu ne trouves pas et que tu vois un gars en fauteuil, ce sera sûrement moi."

Tout était conforme (euh... le vêtement à paillettes, c'était une blague, hein. Il était en jean-T-shirt et beau comme un dieu). On ne s'était menti sur rien et cela a été une grande satisfaction. Et surtout, tout était encore bien plus beau dans la réalité. Parler pendant des semaines de balade main dans la main, et enfin le réaliser, c'est un bonheur incommensurable et indicible. L'impression d'être récompensés pour notre honnêteté l'un envers l'autre et de mériter ce bonheur qui s'offre à nous.

Voilà.

Vous savez maintenant comment une Française s'est un jour retrouvée aux Etats-Unis avec un Américain. Il paraît que le hasard n'existe pas et qu'il ne "favorise que les esprits préparés" (Louis Pasteur). Le mien devait l'être sacrément pour vivre une belle histoire comme celle-là!


* J'apprendrai plus tard qu'il a écrit cette chanson pour la petite fille qu'il rêve d'avoir un jour.

** J'écris cela alors que les journaux nous abreuvent de l'affaire Pistorius. Vivre avec un handicapé, après tout, ça peut être dangereux!  :-p 

vendredi 15 février 2013

Il faut savoir.

Je ne vous oublie pas, amis lecteurs.

Mais la plupart d'entre vous sait que j'ai perdu ma maman il y a deux semaines et que cela n'aide évidemment pas à la rédaction de posts que je souhaitais plus fréquents.

J'avais notamment prévu pour la Saint-Valentin le récit de notre rencontre avec Joseph, que je vous avais promis. C'est en cours, soyez patient. J'en ai rédigé une partie.

J'ai besoin d'un peu de temps entre les démarches, la fatigue et le manque évident de concentration.

Mais je suis fidèle et je tiens ma promesse: vous l'aurez, ce récit de notre belle histoire avec Joseph!

En attendant, je vous invite à lire les paroles de la chanson de Charles Aznavour que j'ai écoutée aujourd'hui dans ma voiture. Je la connais, cette chanson, depuis longtemps, mais je n'avais jamais réalisé à quel point les paroles étaient porteuses de sens.



Il faut savoir 

Il faut savoir encore sourire
Quand le meilleur s´est retiré
Et qu´il ne reste que le pire
Dans une vie bête à pleurer

Il faut savoir, coûte que coûte
Garder toute sa dignité
Et malgré ce qu´il nous en coûte
S´en aller sans se retourner

Face au destin qui nous désarme
Et devant le bonheur perdu
Il faut savoir cacher ses larmes
Mais moi, mon cœur, je n´ai pas su

Il faut savoir quitter la table
Lorsque l´amour est desservi
Sans s´accrocher l´air pitoyable
Mais partir sans faire de bruit

Il faut savoir cacher sa peine
Sous le masque de tous les jours
Et retenir les cris de haine
Qui sont les derniers mots d´amour

Il faut savoir rester de glace
Et taire un cœur qui meurt déjà
Il faut savoir garder la face
Mais moi, mon cœur, je t´aime trop

Mais moi, je ne peux pas
Il faut savoir mais moi
Je ne sais pas...



"Cacher sa peine, sous le masque de tous les jours"... Difficile d'être plus explicite.