dimanche 26 janvier 2014

Pas kif-kif.

J'ai déjà évoqué de façon ponctuelle les bugs linguistiques qui parsèment nos journées. Parmi tous ces bugs, beaucoup de mots nouveaux, d'expressions idiomatiques ou d'usages que je découvre, mais également, et c'est plus gênant, une interrogation sur l'anglais que nous apprenons en France.

Souvent, Joseph, qui est très à cheval sur la grammaire et l'emploi des mots, me reprend sur des choses qui sont correctes en anglais britannique, mais totalement inusitées ou carrément incorrectes en anglais américain.  Il se passe souvent quelques minutes avant que je ne comprenne que mon erreur n'est pas lexicale, mais culturelle. Je n'utilise pas les bons référents avec mon destinataire de situation de communication, pour ceux à qui ça allume une lumière ;-). Certes, je ne découvre pas qu'il y a des variantes anglais GB/anglais US; ça, tout le monde le sait. Ce qui me sidère, et qui est la raison de ce post, est que je n'ai jamais pris conscience à quel point l'anglais américain est quasi une langue à part entière, qui fait qu'un Américain peut avoir besoin d'une traduction s'il converse avec un Britannique, et sans y mettre de mauvais esprit pour autant.

Dans les écoles, en France, et même tard, jusqu'à l'université, dans les facs de langue, on apprend souvent l'équivalence des mots dans les deux pays. On sait que les deux existent; on ne dit pas qu'ils ne co-existent pas. Je m'explique.

On a tous appris que "camion" (oui, pouêt pouêt) se dit lorry (GB) OU truck (US); que "vacances" se dit holiday (GB) OU vacation (US), etc. On ne dit pas qu'un Américain vous regardera avec des yeux tout ronds si vous utilisez la version britannique car il ne comprend pas que vous parlez de vacances. Non pas par moquerie, ni par défi, sarcasme ou chauvinisme. Juste que ces mots n'ont aucun référent dans leur langue et dans leur monde. (holiday est autre chose, en Amérique. Hé oui, Madonna n'avait pas besoin de prendre des vacances, dans "Holiday", mais juste d'un jour pour décompresser).

Je pensais que les Américains avaient connaissance de ces équivalents linguistiques; qui n'en sont pas, donc. Du moins, ils le sont pour ceux qui apprennent l'anglais, car on peut traduire ces mots par un même mot en français. Le piège est d'utiliser à bon escient l'un OU l'autre, et non l'un comme l'autre. Ce n'est pas pareil. Ce n'est pas que j'en veux à certains de mes professeurs d'avoir accepté l'un ou l'autre; l'erreur est humaine. Mais l'erreur est de taille et aurait dû être précisée, selon les auteurs utilisés en thème (traduction vers l'anglais).

Ce qui m'interroge, au-delà de cette dite équivalence lexicale, est que d'un point de vue purement statistique, au vu des occurrences linguistiques (du nombre de fois qu'un mot est utilisé), c'est l'anglais américain qui devrait être appris. Mais... cela n'en fait donc plus la langue de Shakespeare.

Je vais vous donner un exemple, qui parlera bien sûr plus aux anglicistes qu'aux autres: l'usage de "eventually". Nous apprenons que la traduction de "finalement" est "eventually", faux-ami, s'il en est. Combien de fois, au cours de notre scolarité, n'a-t-on entendu nos professeurs nous dire "utilise plutôt eventually que finally, c'est plus marqué linguistiquement." Oui... sauf que c'est tellement marqué que c'est erroné.  Aux Etats-Unis, en tout cas. A savoir qu'ici, eventually ne s'emploie que très rarement et que dans un certain contexte, très précis.  Et "finally" est de loin le mot le plus utilisé pour parler d'un événement qui a enfin eu lieu ou d'un choix qu'on s'est décidé à faire ("ça y est, tu t'es enfin décidé?). Joseph n'avait pas osé me dire pendant plusieurs mois que ce que je disais n'avait pas de sens quand j'employais "eventually". J'ai été soulagée de l'apprendre. Ce n'est que la semaine dernière, après avoir vu un extrait de film britannique qui employait "eventually" comme je l'employais, qu'il m'a avoué que ce qu'il pensait être une erreur tout court était sans doute une autre différence anglais GB/anglais US.

Evidemment, il n'y a rien de vital dans ce problème; je ne mourrai ni de faim ni de soif aux Etats-Unis, finally. Mais les détails ont leur importance en linguistique, et j'aime employer les mots justes. Comme dit Joseph, qui reconnaît l'être aussi: je suis a stickler ( = tatillon, pointilleux, à cheval sur les détails).

Ce qui me gêne, dans l'apprentissage qui a été le mien, c'est d'avoir laissé ces incorrections et ces croyances s'installer. Tout n'est pas égal à tout et vice-versa.

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