lundi 20 avril 2015

Chez les Mayas.


C'est après une longue période de silence que je suis de retour pour vous conter mes nouvelles aventures dans le Nouveau-Monde. Avec un mea culpa par anticipation: j'ai des articles en retard en cours d'écriture, concernant notamment mon séjour de février qui a permis la découverte fabuleuse du Kennedy Space Center à Cape Canaveral. Je compte sur votre patience avant sa publication! 

Avant de vous plonger la tête dans les étoiles, je vous emmène dans la mer des Caraïbes. "Encore!" vous allez me dire!? Oui! Mais cette fois-ci, dans les Caraïbes de l'ouest, et plus précisément dans la péninsule du Yucatán, au Mexique.

Le départ s'est fait cette fois-ci du port de Tampa, à seulement une heure et demie de la maison. Nous repérons de loin l’immense paquebot de croisière qui sera le nôtre, le Brilliance of the Seas, de la Royal Caribbean. 13 ponts, c'est-à-dire plus petit que le paquebot qui nous a emmenés l'an dernier aux Bahamas, mais tout de même!

Cette croisière a été l'occasion de comparer la Royal Caribbean avec Costa et Princess Cruises. Le premier constat, confirmé par la suite du séjour, est sans appel : Costa et Princess sont d’un standing vraiment supérieur à Royal Caribbean.
 
Puisque nous nous rendons en escale au Mexique, les procédures d’embarquement concernent à la fois l’immigration et la santé. Pour éviter une quelconque épidémie à bord pendant ces quatre jours de croisière, le personnel tente de s'assurer que personne n'embarque avec une fièvre ou une toux ou un virus intestinal. Déclaration sur l'honneur, mais le personnel invite donc tout passager potentiellement malade à se faire voir par le médecin de bord avant d’embarquer pour éviter la propagation de microbes et d’épidémies. L’ennemi numéro un est Ebola. L’ennemi numéro deux est la gastro, ou Norovirus ( ou virus de Norwalk en français dans le texte).  Une croisière a récemment  fait les grands titres aux Etats-Unis pour avoir été un véritable cauchemar sur mer avec plus de 600 personnes infectées, soit un quart du paquebot, et une difficulté importante d'éviter la propagation des microbes en lieu clos. De ce fait, tout comme l’an dernier, des distributeurs automatiques de désinfectant Purell sont disposés partout: devant les ascenseurs, à l’entrée des restaurants et buffets (un personnel est spécialement posté pour vérifier que tout le monde se prête à la manœuvre  hygiénique), sur les ponts d’amusement, dans les arcades de jeux…  On vous rappelle aussi par écrit dans les toilettes de bien vouloir éviter de toucher la clenche (ah pardon, chers lecteurs non mosellans : la poignée) des toilettes ou alors avec du papier, mais les portes sur un bateau étant difficiles à pousser et lourdes, il est souvent difficile de faire autrement.
 
Revenons à nos moutons. Une fois les formalités passées, direction le pont d'embarquement. Ça commence fort pour moi : ma carte de bord magnétique ne passe pas. Un gros BIP signale à l'agent que je ne suis pas autorisée à monter. Regard suspect des agents qui scannent les cartes, mettez-vous sur le côté, attendez-là. Il revient quelques instants après, re-scanne : c'est bon ! Je peux embarquer. Ç'aurait été ballot, comme on dit dans l'ouest...

Les chambres n’étant pas encore ouvertes, les passagers sont invités à aller prendre le repas au buffet  à volonté servi Pont 11. C’est à ce moment très précis qu'il faut surpasser l'agoraphobie qui vous envahit soudainement et qu'il faut- c'est impératif- refouler bas, très bas (encore plus bas) les envies de meurtre qui montent en vous au milieu de ces foules bruyantes et voraces, en shorts et tongs qui viennent là pour se remplir la panse et peu importe comment (et encore... reconnaissons à ces foules le mérite d'être américaines, c'est-à-dire disciplinées: on ne joue pas des coudes et on ne pousse pas. Rien à voir avec la croisière Costa en Méditerranée remplie d'Italiens euh... comment dire pour rester polie et ne pas froisser d'éventuels lecteurs italiens ou d'origine? Franchement mal élevés et sans aucun respect de la nourriture et encore moins des personnels ô combien serviables et attentionnés de ces navires à touristes). Et quand vraiment vous sentez que vous êtes sur le point de perdre la lutte, une seule solution: le demi-tour pour aller prendre l'air sur un pont et faire en sorte de revenir un peu plus tard. Sur un paquebot de croisière en partance pour les Caraïbes, on ne meurt pas de faim et on peut manger 24h/24, à volonté et "gratuitement" pour ainsi dire, car tous les repas, du snack au dîner "gastronomique" sont compris dans le prix de la cabine, ainsi que toutes les boissons non alcoolisées (eau, citronnade, [véritable] thé glacé, café et thé) à volonté. 

Nous avons donc décidé  de laisser nos semblables se soulager pour faire connaissance avec le paquebot, qui bien que plus petit que le Ruby Princess qui nous a emmenés aux Bahamas l'an dernier n'en demeure pas moins un géant des mers. Treize ponts, 2500 passagers, 860 membres d'équipage, ce n'est pas un caïque, un coureauleur ni un bolincheur*!

Quelques clichés du Brilliance of the Seas: 

Le paquebot amarré dans notre port d'escale (et à sa gauche, la grande soeur, le Liberty of the Seas, encore plus imposant!):


Le Pont 12, centre de l'activité diurne (piscine, jacuzzis musique, bar) mais aussi le cinéma en extérieur le soir sur écran géant.
Deux vues du grand hall central avec bars, piste de dance, scène pour les concerts ou séminaires, et les ascenseurs panoramiques qui dominent le centre du paquebot. D'autres ascenseurs panoramiques donnent sur la verrière qui donne sur la mer. Sensation bizarre que de monter ou descendre en même temps qu'on avance sur l'eau!



Les transats du Pont 12, souvent arpenté, surtout après les buffets à volonté!
Mur d'escalade Pont 13.

Terrain de basket Pont 12.

Une vue de notre cabine:


L'autre tiers  de la chambre:


La cabine est bien plus exiguë que celle de l'an dernier mais il y a une raison: la réservation de la croisière s'étant réalisée très tardivement, il n'y avait plus de chambre handicapée disponible. Plutôt que de passer son tour, Joseph a voulu tenter une chambre "normale", c'est-à-dire sans aucun critère d'accessibilité, après avoir néanmoins vérifié la largeur de la porte d'entrée. Et le moins que l'on puisse dire est que c'était millimétré... Il a pu se permettre cette "fantaisie" en raison de son exceptionnelle condition physique et musculaire, mais très franchement on ne conseille pas pour d'autres personnes avec des problèmes de mobilité car c'était quand même fastidieux. La cabine de douche et les toilettes n'étaient pas accesssibles du tout. Il devait laisser son fauteuil dans la chambre et ramper pour y accéder à chaque fois après avoir escaladé la petite marche à l'entrée (sans siège ni équipement, nous avons dû demander un tabouret de douche en plastique à notre arrivée). Impossibilité aussi d'aller sur le balcon...Heureusement que le paquebot comportait plein de toilettes handicapées extra larges, ultra-modernes et équipées pour éviter de trop solliciter des épaules. Néanmoins, il a choisi de procéder ainsi donc il eût été complètement déplacé d'exiger quoi que ce soit de la compagnie en compensation. Nous avons quand même tenté, dès notre arrivée, de savoir s'il était possible de changer pour une chambre accessible mais on nous a dit qu'elles étaient toutes déjà occupées et impossibles à changer. [Nous n'avons repéré qu'une seule autre personne en fauteuil manuel sur le navire. D'autres personnes utilisant des déambulateurs ou des "scooters"  électriques (le type que l'on trouve dans nos supermarchés), pour cause de vieillerie ou d'obésité. Comme on dit en anglais, "no offense, but...". Bref.]

Le paquebot a largué les amarres à 16h de Tampa. Nous avons navigué une journée et demie sur le Golfe du Mexique selon la route suivante:


pour arriver sur l'île de Cozumel, au Mexique, au petit matin samedi vers 7 heures heure locale, soit 14 heures heure française.

Cozumel appartient administrativement à l'état mexicain du Quintana Roo, mais sa proximité  géographique l'associe souvent de fait à celui du Yucatán voisin. Yucatán particulièrement célèbre pour abriter le foyer de la civilisation maya, dont l'une des splendeurs, Chichen Itza, a été reconnue comme l'une des sept nouvelles merveilles du monde. Le Quintana Roo n'est pas en reste puisqu'il abrite la cité maya de Tulum ou encore la proche ville touristique de Cancún. Il est à savoir que le Yucatán et le Quintana Roo ne représentent pour l'heure actuelle aucun danger de visite contrairement à d'autres états du Mexique formellement déconseillés aux touristes. J'ai pris soin avant le départ de consulter le site du Ministère des Affaires Etrangères pour m'assurer de la faisabilité "politique" des visites, car certaines excursions à la journée proposées par la Royal Caribbean étaient sur le Mexique continental.

Cozumel, Mexique

Comme dans toutes les croisières, les vacanciers ont le choix entre multiples activités pour utiliser leur escale: soit une activité organisée par la compagnie, soit du temps utilisé librement à bord ou sur le port d'escale par ses propres moyens. La plongée avec masque et tuba pour observer les fonds comme l'an dernier était vraiment très tentante dans ces eaux turquoise et limpides, mais je pense qu'il était difficile, me concernant, de faire l'impasse sur la visite d'un site maya vu le peu de temps de présence au Mexique (8 heures tout au plus). Sujet longtemps étudié dans mes années de lycée et d'université, les civilisations pré-colombiennes qui m'ont longtemps fait rêver et même quelque part orienté dans mes choix d'études étaient désormais à portée de main pour quelques heures au cours d'une destination  de circonstance. Et le comble, si j'ose dire, est que je ne m'étais pas du tout projetée dans cette croisière jusqu'à la veille du départ, si bien que c'est vraiment émerveillée que j'ai découvert l'histoire du lieu avant de m'y rendre. Le plaisir n'en fut que plus grand de me retrouver sur le site archéologique de San Gervasio deux jours après.

La question, au moment de débarquer au Mexique, était néanmoins de savoir si la visite était faisable en fauteuil roulant, et déjà si le bus que nous devions prendre était en mesure de nous accueillir... Nous avons posé la question dès l'entrée sur le bateau. Le service des excursions nous a promis une réponse brève. Nous l'attendons encore à ce jour et c'est, comme souvent, en tentant sa chance et en mettant les gens devant le fait accompli que nous avons obtenu une réponse favorable du sympathique trio qui nous a accompagnés pendant une demi-journée. La guide commence par nous dire "ah non, pas de place dans le bus pour un fauteuil, désolée..." quand elles nous a vus arriver, mais rapidement on lui explique qu'il est question de monter l'homme dans le bus et le fauteuil en soute à bagage. Changement radical de réaction: "Mais bien sûr, pas de problème!!!". Et ben voilà!

Nous voilà donc partis pour un tour de l'île en bus avec comme point d'orgue la visite du site archéologique maya.

J'ai senti l'adrénaline monter en passant les barrières avec le panneau "site réservé" ainsi qu'un sentiment de réjouissance extrême en avançant dans la végétation luxuriante et en voyant ces pierres grises apparaître au milieu. Tant d'images sont remontées à la surface, tant de souvenirs de thématiques enfouies quelque part dans ma tête sont revenues au galop en entendant les explications de nos deux guides. La première, Barbara, a dressé un tableau historique et géographique de l'île de Cozumel. Comme bien des lieux du nouveau monde, les légendes autour de l'origine des noms sont foison. Il s'agit, la plupart du temps, d'hypothèses sur des déformations linguistiques post-colombiennes. Barbara nous explique ainsi que "Yucatán" proviendrait en fait d'un malentendu entre les conquistadors qui demandèrent à des individus mayas "où sommes-nous?", ces derniers leur ayant répondu  "Ma'anaatik ka t'ann", paroles  qui signifient en maya yucatèque "on ne comprend pas ce que vous dites". 
 
Cozumel vient du maya yucatèque Kosom Lumil, "terre d'hirondelles". Les transformations du maya yucatèque vers l'espagnol ont transformé en cuzaam luumil, puis  cuz'amil puis Cozumel.
Les Mayas  se seraient installés à Cozumel à partir du début du premier millénaire après Jésus-Christ.

Ared, la deuxième guide, s'est concentrée sur les explications propres au site archéologique.

Ix Chel, déesse lune et déesse de la fertilité

Pour les Mayas, Cozumel était une île sacrée pour la déesse Ix Chel. Cette déesse, aussi appelée Chak Chel, était associée à plusieurs éléments. Ix Chel était l'épouse du Dieu Soleil, et en tant qu'élément féminin elle était donc la déesse de la Lune. Mais c'est surtout pour la fertilité, la maternité et la féminité que cette déesse était vénérée. Les femmes Mayas qui désiraient avoir des enfants devaient se rendre en pèlerinage une fois dans leur vie à Cozumel pour prier Ix Chel pendant 3 jours et lui apporter une offrande. Le site de San Gervasio, aujourd'hui en ruines, était ce haut lieu de pèlerinage.

Ix Chel était représentée comme une vieille femme peu avenante, avec un serpent sur la tête (âge et serpent étant symboles de sagesse) et des oreilles de jaguar. Elle déverse une cruche d'eau, eau qui apporte la vie et est souvent représentée les jambes écartées, pour signifier la naissance. La guide nous explique que dans certains villages du Quintana Roo, les femmes accouchent encore debout les jambes écartées car cette position est d'après les Mayas la meilleure qui soit pour donner la vie, et en tout cas la plus en accord avec la position naturelle du corps.



L'eau déversée par Ix Chel fait aussi référence à l'île de Cozumel, aussi appelée l'île aux femmes. L'île est une représentation en soi de la maternité car de même que l'île est entourée d'eau, le futur bébé est entouré de la poche d'eau qui le fait grandir et apporte la vie.

Les aspects bienfaisants d'Ix Chel trouvent aussi leur équivalent maléfique (d'où la représentation peu avenante de la déesse) car cette eau peut également être associée au déluge et la destructiondu monde (pluies tropicales, ouragans, inondations).

L'association de la déesse à la Lune et la Fertilité ferme donc le cercle des symboles car la notion de cycle lunaire et de cycle féminin sont parallèles et indiquent des croissants de fertilité.

Vénérée et crainte, donneuse et destructrice de vie, bienfaisante et malfaisante, Ix Chel est un pilier de la mythologie maya et un important symbole de féminité.

Culture maya

Nous avons eu une explication sommaire du calendrier maya. Les Mayas utilisaient un système de numération en base 20.  Le "mois" maya (uinal) est composée de 20 jours

20 est la décomposition de  13+7, 7 et 13 étant deux nombres sacrés.

Il y a 18 "mois" de 20 jours qui composent le tun (année), soir 18x20= 360 jours.
La dernière semaine étant de 5 jours, on retombe sur le calendrier grégorien.

Ared nous explique le calendrier


D'après Ared, le concept de "fin du monde prévue par les Mayas" est une ineptie car tout dans la culture maya fonctionne en cycle et rien n'est linéaire (cycle de vie, cycle de fertilité, cycle de la lune, ...). Les calculs impliquent donc un recommencement éternel car la fin d'un cycle annonce de ce fait le commencement d'un nouveau.

Ared a poursuivi avec des explications architecturales propres aux Mayas, en rapport avec leur numération basée sur le nombre 20 (7+13). Elle nous indique par exemple que les quatre face de la pyramide de Chichen Itza comportent chacune 91 marches (soit 7x13). Sur le site de San Gervasio que nous avons visité subsitent des traces de cette architecture en plus petit volume. 

7 marches pour cet autel.
7 pierres pour cette voûte


D'autres vues de ce site:










Et quelques vues de Cozumel, pêle-mêle, pour le dépaysement:










Comme souvent, mes visites me donnent des envies d'encore. Les Mayas n'ont sans doute pas dit leur dernier mot et ont encore beaucoup de secrets à me révéler. En attendant, c'est comblée que je rentre car l'inattendu, la découverte et le dépaysement auront permis à ma curiosité de s'abreuver et de s'aiguiser encore. J'ai, je pense, de nombreuses lectures à effectuer pour la satisfaire et cette marge d'accès à la connaissance promet d'autres découvertes. En attendant, comme on dit en maya, dyos bo’otik et ka’a xi’itech!



* Je cherchais des types de petits bateaux pour comparaison et je me suis laissée entraîner par mes recherches ou plutôt mes trouvailles, du coup je vous en fais profiter!

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