dimanche 21 juillet 2013

Digne et les gorges du Verdon.

T'as voulu voir Digne et on a vu Digne.

Pouf pouf.

Hé bé, ça vaut son pesant de cacahuètes de bistrot enfumé, dis-donc.

Déjà, arrivée dans les Alpes sous des trombes d'eau et 16 degrés en moins d'un coup. Pouf! On est passé de 31 à 15 degrés en quelques kilomètres. Et moi qui jubilais, enfin, de constater que le temps jouait en ma faveur. Je rappelle que les deux dernières venues de Joseph en France, la première en juillet dernier, la deuxième en octobre, se sont faites avec des températures dignes du plus morne automne. Lemon. (voir avant-dernier post).

Digne. Aaaaaaah!

L'hôtel qui a attiré mon oeil sur internet et que j'ai réservé avait l'air top. Sur internet. "Chambres accessibles" dixit le site. Cool. Bon, je vous explique la réservation. L'hôtel n'effectue pas de pré-réservation par carte, mais il retient la chambre et demande d'appeler le jour même pour confirmer en cas d'arrivée tardive. Arrivée tardive, à Digne= après 17 heures (!). J'appelle dans l'après-midi pour confirmer, et là on me dit, "ok, on vous la retient jusque 19 heures mais si vous n'êtes pas à 19h on ne garantit plus sa réservation". Euh, comment te dire, gente dame, j'ai passé DEUX HEURES sur internet et au téléphone la semaine dernière pour trouver un (UN, one-eins) p***** d'hôtel accessible dans ta ville et qui ne soit pas une gargote à vieux,  ou alors qui ne soit pas hors de prix, alors j'aime autant te dire que te vas me la retenir, cette chambre, même si on arrive après 19 heures...  Message apparemment reçu.

Nous arrivons à Digne, chef-lieu de département, rappelons-le. Direction l'hôtel aux "chambres accessibles". Ahhhhhhhhh. Les chammmmmmmmmbres!!!!!! Pas la réception!  (3 marches pour aller chercher la clé) Ni les toilettes du hall d'accueil, au fond du couloir après les marches! Bien joué, les gars! Pis pas de parking! Tu gares ta meule sur un terre-plein caillouteux en face de l'hôtel. Pas de place réservée pour les PMR proche de l'entrée. Pas vraiment accessible, quoi! Si, ou alors en version "assisté".

Je demande gentiment si l'hôtel a un parking privatif, même payant. Regard hébété de la réceptionniste: "mais Madame, ici c'est la campagne, et on est dans un deux étoiles, les parkings privatifs c'est pour les hôtels de luxe des grandes villes" (euh... genre... le Formule 1 de Maubeuge? Il a un parking, lui!). Son regard hébété est devenu contagieux. De stupeur, je réponds: "Mais... rassurez-moi, on est bien dans le chef-lieu, ici? Ou je me trompe?" - "Ah, oui! Mais Digne c'est pas une ville, c'est la campagne!".

Ah.

Devant une telle démonstration géographique convaincante, j'ai préféré laisser tomber. C'est déjà bien bon qu'on puisse pieuter ce soir, si j'ai bien compris le message.

L'installation faite dans la chambre , nous partons en quête de l'un des deux (DEUX, two, zwei) restos accessibles que m'a suggérés l'APF (Association des Paralysés de France) des Alpes-de-Haute-Provence. Pourquoi ai-je fait appel à  l'APF, me direz-vous? Car l'Office de Tourisme de Digne a été infichu de répondre aux trois questions que je leur ai posées, à savoir: le centre-ville est-il accessible aux fauteuils? Quels restos du centre sont accessibles (accès+ toilettes)? Peut-on visiter l'évêché? Pour toute réponse: on m'a demandé mon adresse postale pour m'envoyer de la documentation papier qui récapitule ce que j'ai trouvé sur internet (c'est-à-dire sans aucune mention sur l'accessibilité); on me renvoie à la liste de restos de leur site internet, qui ne contient aucun pictogramme d'accessibilité (merci, je sais lire, j'ai vu qu'il y avait une liste de restos mais si je vous contacte c'est que l'info est manquante). Et on me répond que l'évêché n'est pas visitable mais que les cathédrales se visitent en après-midi. En omettant de me dire que l'une d'elles, celle qui nous intéresse, en l'occurrence, est perchée en hauteur et entourée d'escaliers, c'est-à-dire inaccessible. C'est pas grave, les couillons que nous sommes ont dû aller s'en rendre compte par eux-mêmes après avoir monté les rues pentues pour se rendre compte qu'on ne pourrait en aucun cas y entrer.

(ça, c'était pour rester sur la lancée de la poisse. La veille, l'ascenseur de ma résidence était en panne au moment où on a voulu sortir manger chez des amis: descente de deux étages sur les mains et les fesses et portage de fauteuil... Pas de bol, quoi...)

Le resto où on s'est rendu était correct, néanmoins, le patron est tout de suite venu nous accueillir pour nous expliquer, non sans fierté, et sans qu'on lui demande rien, qu'il était l'un des seuls sur Digne à avoir fait aménager son établissement. Bravo Monsieur. Le motif qu'il a donné, par contre, a manqué de me faire étouffer.  Ou plutôt la façon de le dire. "Moi j'ai fait aménager mon établissement parce que ma grand-mère est dans le même état que lui" (il me montre Joseph).

"Parce que ma grand-mère est dans le même état que lui". 

...

Dans le même état. CQFD. Un jour je devrais faire un article rien qu'avec toutes les conneries (maladresses pour la plupart), qu'on entend. C'en est une fréquente, celle-là: "ah ton copain est en fauteuil, je sais ce que c'est, ma grand-mère aussi est en fauteuil". Ah ouais. Cool. Et elle fait aussi de l'escalade et du kayak? (et pourquoi pas, vous allez me dire. Qu'est-ce que j'ai comme préjugés, moi!).

Ou alors ce monsieur voulait dire dans le même état= dans le New Jersey?

Ou alors...  que Joseph a l'air d'un vieux débris tout délabré? =O

Arf. C'est drôle, quand même. Comme on dit en anglais: no offense. C'est purement anecdotique, mais des fois, entre retenir un rire, retenir une colère ou faire répéter pour s'assurer qu'on a bien compris l'énormité qu'on vient d'entendre, je me demande si mon regard transpire de vérité. Il paraît que oui. Maman m'a toujours dit: "si tes yeux étaient des revolvers, il ne resterait plus grand monde sur terre".

Bon! Tout ça pour dire qu'au cours de notre balade digestive dans les rues de Digne, we hit the nail on the head (on a visé droit dans le mille). C'est en cherchant l'entrée accessible (qui n'existe pas) de la cathédrale Saint-Jérôme que nous sommes tombés, complètement par hasard, sur la maison de l'évêque de Digne, Monseigneur Miollis, le vrai, qui a inspiré Victor Hugo pour son personnage de Myriel dans Les Misérables. But de notre voyage, en somme. Je cite les paroles de mon cher et tendre: "c'est la chose la plus cool que j'aie vue jusqu'à présent en France". Yeah man, fuck la Tour Eiffel, les Champs-Elysées et le Louvre! Une plaque commémorative sur une maison abandonnée du centre d'une ville de province, c'est 'achement mieux!

Bon, je plaisante, mais voir le visage illuminé de mon chéri avec ce regard pétillant comme s'il venait de découvrir un trésor procure un moment de plénitude indescriptible.


Le bonheur tient à peu de choses.
Il ne voulait plus partir. 

Notre recherche de l'antre magique (entrée accessible de la cathédrale) nous a aussi permis de tomber sur un personnage fort intrigant. Nous montons une venelle torte, sombre et très pentue qui mène vers l'entrée de la cathédrale St-Jérôme. Alors que nous approchons du sommet, nous apercevons une ombre longiligne tout pendant que nous entendons des personnes parler très fort, voire crier.  Une altercation? L'homme est grand, fin, droit comme un i. Son corps est figé, son regard fixé vers le sol. Où sont ces autres personnes qui crient? Un peu hésitant à lui parler, mais surtout impatiente d'avoir une réponse à notre question, je romps le silence dans lequel il est plongé et entre dans sa bulle. (Vais-je le regretter?)

- "Pardon monsieur; bonsoir." Il se tourne, après quelques secondes. Visiblement, je dérange.

Je poursuis:  "Sauriez-vous nous dire si la cathédrale est accessible sans escalier? On n'arrive pas à trouver l'entrée."

Son visage se détend. "Ah, excusez-moi, j'écoutais les prisonniers parler avec leurs familles! Essayez l'autre entrée par l'autre côté, de mémoire je ne sais pas mais il se peut qu'il n'y ait pas d'escaliers de l'autre côté."

Nous sommes intrigués. Des prisonniers?

Il explique. Une maison d'arrêt jouxte la cathédrale. Il nous explique que  la conservation exceptionnelle du centre ville médiéval permettait encore l'utilisation de bâtisses anciennes pour des raisons officielles. D'où cette maison d'arrêt au cœur du petit centre-ville. Le soir, les prisonniers se mettent aux fenêtres et communiquent avec les membres de leur famille: et le petit, il va comment? Il a fait ses devoirs? Tu as vu mon frère? Des échanges de nouvelles sans téléphone, sans ordinateur, sans papier. Du brut de brut. Intéressant.

Nous faisons demi-tour. L'homme nous accompagne sur une partie du chemin et nous raconte son amour de sa ville, et aussi le plaisir qu'il prend le soir pendant la promenade du chien à venir savourer ces morceaux de vie qui s'offrent à lui. Il nous dit: "Des gens courent le monde pour vivre des aventures, moi, le soir, il suffit que je sorte avec mon chien et je vis aussi le temps de quelques instants dans un autre univers en écoutant ces gens. Chacun son plaisir!". L'homme parle sereinement. Il a un sourire discret, un regard bienveillant. Il nous souhaite bonne continuation sur notre route en espérant qu'elle apporte ce que nous cherchons. Je traduis à Joseph l'intégralité de la conversation. Il n'en revient pas de ce moment hors du temps qui vient de s'offrir à lui. Déjà, l'écriteau sur la maison, mais en plus, rencontrer un personnage réel qui dégage quelque chose de mystique dans une semi-obscurité, dans une ville où un autre personnage, fictif, lui, nous a menés, c'est une aventure en filigrane. Joseph me dit, mi-amusé, mi-rêveur:  "Je viens de rencontrer mon Jean Valjean. A Digne. Est-ce que je pouvais espérer plus?".


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Le lendemain, les thermes de Digne n'ayant plus de disponibilité pour des massages, et nos visites souhaitées étant inaccessibles au fauteuil, nous avons fait route vers le sud, vers les Gorges du Verdon. Grand bien nous a pris! Le bleu du lac de Sainte-Croix, la vue de ces paysages minéraux et vertigineux de la Corniche sud que nous avons empruntée ont été pour Joseph un moment d'émerveillement. La ville n'est pas accessible, partons à la conquête de la nature! Et contre toute attente, la pioche a été bonne. Nous avons fait une pause dans le village d'Aiguines, après avoir emprunté la route sinueuse qui surplombe les gorges et le lac de Saint-Croix. La petite rue qui sert de centre ville est complètement accessible. Nous avons pu manger dans un petit resto sympa, acheter quelques souvenirs, et même - le croirez-vous?- utiliser les toilettes publiques (gratuites) spécialement adaptées pour des personnes en fauteuil. Comme quoi... si même un petit village de Provence peut proposer ce service, il me semble que les "on ne peut pas" des grandes villes viennent de se prendre une bonne claque.

Le Lac de Sainte-Croix, à la sortie des Gorges.

La terrasse de notre restaurant à Aiguines, sur les hauteurs des gorges.

A Aiguines.
 



Des champs de lavande en veux-tu en voilà. Digne, capitale de la lavande. 

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Le lendemain, nous faisons route vers Marseille, deuxième étape de notre séjour en Provence. Sur notre chemin, Les Mées, dans le plateau de Valensole, et ses Pénitents. Ces roches portent ce nom en raison de la forme des roches qui fait penser à une procession de moines encapuchonnés:


(à suivre...)

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